Petit dictionnaire des locutions perdues…
La langue française est riche en en locutions accumulées au cours de siècles d’histoire. Certaines ont changé de sens ou de graphie avec le temps. Penchons-nous sur deux d’entre elles.
La richesse de notre belle langue s’est construite avec le temps. Certaines figures de style, sans doute considérées à l’époque de leur création comme particulièrement heureuses, ont traversé les siècles pour nous rejoindre. Souvent, personne ne se souvient plus du contexte de leur création. Cette confusion entraîne parfois des changements de sens ou de graphie…
Vous prendrez bien une petite coupe?
En cette époque de crises en tous genres, États comme entreprises sont appelés à plus de rigueur financière. Afin de se conformer à cette exigence, les restrictions sont inévitables. Et les journalistes, toujours à l’affût d’une bonne image, de parler de coupes sombres dans les budgets. Grossière erreur!
Cette locution provient du monde de la gestion forestière. Lorsque les bûcherons éclaircissent la forêt en coupant çà et là quelques arbres, ils effectuent une coupe sombre. Pourquoi « sombre », alors qu’elle ne concerne que quelques arbres? Parce que le sous-bois reste bien protégé du soleil, et donc sombre. À l’inverse, lorsque les opérations d’abattage battent leur plein – encore une jolie locution – la disparition de nombreux arbres expose le sous-bois au soleil. Les bûcherons parlent alors de « coupe claire ». Pourquoi dès lors employons-nous systématiquement « coupes sombres »? Certainement parce que nous avons perdu de vue l’usage originel de la locution. Comme la connotation négative de « sombre » paraît plus appropriée pour désigner la réalité crue de la rigueur budgétaire, l’expression « coupes sombres » a fini par s’imposer dans le langage courant. Vox populi, vox dei.
En avant, marche!
Notre deuxième locution du jour est toujours employée, mais a changé de graphie. Au départ, en effet, « autant pour moi » s’écrivait « au temps pour moi ». Selon certains, l’origine de l’expression est musicale. Selon d’autres, elle est militaire. Dans les deux cas, elle est placée dans la bouche de la personne qui a commis une erreur, et demande que l’on reprenne l’exécution de l’oeuvre ou de la manoeuvre « au temps (précédant l’erreur) » pour lui permettre de se corriger. Le « Robert des expressions et locutions » indique que les deux graphies sont encore admises. Pour lui, l’expression est d’ailleurs résolument militaire. Et peut-être toutes les sources ont-elles raison. Après tout, cette locution pourrait très bien avoir été inventée… dans une fanfare militaire!