Écriture web: ne ratez pas votre cible

par | Mai 10, 2021

Que vous prépariez un article de blog, le script d’une vidéo, la structure d’une présentation ou un simple email, gardez-vous bien de succomber à la « malédiction de la connaissance ». Explications…

 Avez-vous déjà entendu parler de « Allo Police »? Précurseuse du célèbre « Strip-Tease », cette émission suivait – caméra à l’épaule – les aventures quotidiennes d’une équipe de la police locale de Charleroi. Dans un épisode resté culte sur internet sous le nom « Le vieux de Charleroi », les policiers et les cameramen rencontrent une dame assez étrange, puis un vieil homme encore plus bizarre. On y parle de belles canes et de quêtes et patati…

Mais que tente-t-elle de dire?

Pour qui veut bien regarder, il y a toujours une leçon dans tout. Prenez Micheline, la première protagoniste de l’histoire. Elle a plus d’un point commun avec un mauvais copy. Et même avec certaines personnes qui vous envoient des emails professionnels sans queue ni tête.

Mais regardons plutôt un petit extrait du reportage. 

 

Micheline nous déballe des propos sans queue ni tête. De son discours, on retient qu’un voisin semble l’insulter, la harceler et répandre des rumeurs sur elle. Pourquoi? Mystère.  Nous apprenons aussi qu’il a « offert l’assurance du gamin ». Puis, qu’il lui aurait dit le matin même « sur le chemin » qu’elle avait « gâché son ménage ». Soudain, Micheline a une étincelle de lucidité. Elle s’interrompt et constate: « je veux aller trop vite parler ».

Trop vite parler?

Bien sûr, Micheline parle trop vite: les idées s’entrochoquent dans sa tête, et son propos manque complètement de structure. Mais il y a un autre problème, plus fondamental. Micheline narre son histoire comme si ses auditeurs en connaissaient déjà le contexte. Lorsqu’elle mentionne que son voisin avait « payé l’assurance du gamin », un des agents de police lui demande « l’assurance de quoi, dites? ». Sa réponse: « d’une moto hein, un p’tit vélomoteur ». Et pourtant, jusqu’à ce moment, personne ne savait que:

  • Micheline avait un « gamin »
  • celui-ci avait l’âge de rouler en vélomoteur
  • chômeuse, Micheline n’avait pas les moyens d’assurer ledit vélomoteur en responsabilité civile
  • c’est donc ce fameux voisin qui avait réglé la facture du courtier.

Voilà beaucoup d’inconnues, qui nous laissent perplexes – tout comme les policiers. Il faudra attendre le discours beaucoup plus structuré du fameux « vieux de Charleroi », le deuxième protagoniste, pour comprendre le fin mot de l’histoire.

 

Le syndrome Micheline: définition

Le « syndrome de Micheline », c’est donc cette tendance qu’ont certaines personnes à imaginer que leur interlocuteur est dans leur tête et sait de quoi elles parlent. Qu’il s’agisse d’une conversation informelle, d’un email ou d’un article de blog, le locuteur atteint du « syndrome de Micheline » part du principe que les destinataires de son message connaissent déjà fort bien sa situation (ou le sujet dont il traite).

En 1990, Elizabeth Newton, étudiante en psychologie à la Stanford University, avait identifié la cause de ce phénomène. Elle lui avait alors donné un fort joli nom: la malédiction de la connaissance. Ce biais cognitif, nous en souffrons tous. Lorsque nous savons quelque chose, nous ne pouvons plus vraiment imaginer l’état d’esprit de quelqu’un qui n’a pas encore cette connaissance; cela nous conduit à attribuer à notre interlocuteur un savoir qu’il ne possède pas.

Pour démonter l’existence de ce biais, Elizabeth Newton a utilisé un petit « jeu ». Dans un groupe d’étudiants, un « animateur » devait tapoter sur son bureau le rythme de la mélodie d’une série de chansons connue. Les autres étudiants devaient deviner leur titre. Elizabeth Newton avait sélectionné plus de 120 chansons pour l’expérience. Leur taux de reconnaissance était à peine de 2,5%. Logique, puisque les étudiants n’avaient pour tout indice que des coups frappés sur un banc. Mais avant de commencer le jeu, Elizabeth Newton avait demandé aux « tapoteurs » une estimation du nombre d’étudiants qui reconnaîtraient chaque chanson. En moyenne, cette estimation du taux de reconnaissance était de 50%. Vingt fois plus que la réalité! 

 

La malédiction de la connaissance

Pourquoi un tel écart entre les prévisions et la réalité? Parce que les animateurs chantent la chanson dans leur for intérieur au moment où ils tapotent son rythme. Et il leur est impossible d’écouter leurs propres tapotements sans faire le rapport avec ce qu’ils ont en tête. Pour eux, l’exercice apparaît donc enfantin. Mais ce n’était évidemment pas le cas pour les autres étudiants, qui n’entendent rien d’autre qu’une sorte de code morse sans queue ni tête. L’expérience d’Elizabeth Newton démontre donc bien qu’il est très difficile de se mettre à la place de quelqu’un qui ne sait pas ce que nous savons.

Lorsque nous parlons ou que nous écrivons, nous sommes tous soumis à ce biais cognitif. Nous imaginons que l’étendue de ce que sait notre interlocuteur, le destinataire de notre email ou le lecteur de notre article de blog est beaucoup plus importante qu’elle ne l’est en réalité.

Une leçon très importante à garder à l’esprit chaque fois que nous prenons la parole ou la plume (ou le clavier)…

 

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